Lynn

Mots pour Maux.

Jeudi 14 juillet 2011 à 19:21

[2009. Une nuit de Décembre.]



      Je reste dans l’incapacité de donner du sens à ma récente peine qui me pousse aux nerfs depuis quelques soirs ; seules les causes restent claires, livides, limpides, bien trop limpides. 
Le manque me prend. Il me tient, me sert bien fort contre lui, alors que d’ordinaire il me boude, me touche du bout des doigts & me révèle lassante. Je ne lui ai jamais plu, je crois. Pourtant, les images, les souvenirs, les regrets qui ne cessent de flotter ont fini par attiser ses foudres. Il a suffi que ce nombre, un rien de saloprie, vienne s’afficher  & se réfléchir  en l’éternel compteur pour que BSB trébuche.

Ecrire ton nom m’est difficile. Tu me manques atrocement. Nos photos, nos souvenirs, ces instants qui n’ont jamais appartenus qu’à nous ne peuvent m’effleurer sans craintes. Tu es là, je le sais, autant que nos liens. Jamais je ne le croirai.
J’éprouve ce lourd besoin. Tout te dire, partager le bon, le mauvais. T’entendre me dire que tout ira bien, alors que nous avons toujours trop su que la façade était trop belle. Je m’en suis toujours voulu ; Ne pas croire à l’espoir inespéré auquel tu aspirais  n’a-t-il  pas été la plus grande des fautes ? Tu sais, Je ne t’ai jamais reproché  ce que j’ai toujours deviné : l’espoir restreint que nous possédions l’un & l’autre  ne s’est qu’involontairement niché en nous, avec tout le vice destructeur qui nous rodait. Sans doute l’as-tu entendu, on a toujours pensé trop fort.
Je revois nos mensonges en guise d’efforts, L’amour qui n’a toujours été que le premier présent. Je te revois, toi, ton corps, au sol, meurtri. Je n’ai pas perdu qu’un lien. J’ai perdu mon double, je me suis perdue moi, encore au-delà des frontières effacées. Nos racines sont les mêmes, ma vie a décrochée. Dans l’épaisseur de la neige, le temps n’effacera pas les pas que nous avions partagés, ils dorment là où nuls autres que nous ne peuvent les voir, les retracer. Mais on t’a volé, tes coups acharnés, les nuits atroces, ton supplice, l’ont emporté. Forcé à l’abandon, sans protection mutuelle, sans fusion sensible.

Je ne suis décidemment qu’une égoïste, je le sais bien mieux à ce jour que jamais. Je ne détiens pas le droit de souhaiter, rêver te voir surgir de nul part, vaillant, magnifique, heureux, vivant, de t’imaginer te poser sur moi, de toute ta délicatesse caractéristique à mon égard. Interdit est ton corps contre le mien, comme une promesse qui nous colle à la peau. Du silence, comme celui que je dois depuis garder, dans la plus grande transparence. Non, je le répète, je ne dois pas le penser, je l’écrirai juste.


      A la beauté de ta personne, au temps des cendres, à l’injustice que je brûlerai pour nous, à la rage qui prendra place, à la rancune qui trône ; tu resteras l’être & la part magnifique, le semblable dont nul ne peut rêver, celui que je tais aux rires pour mieux préserver en empire. A cet amour, qui est parti avec plus que lui-même, mais moins que tous ces souvenirs. B.






Lynn.L

Mardi 1er mars 2011 à 15:39

 

      Une heure que nous sommes ici lasses. Ou deux, peut-être même plus. Nous ne pesons plus le pour, le contre. Le fardeau de nos blâmes, & de nos erreurs, toutes plus lourdes que nos deux pathétiques existences. Ce temps, donc, voilà longtemps qu’il se préfère euphémisme au vent, un peu comme nous, avant.
Je te sais, là, je te sais, si ancrée & si lointaine à la fois. & je sais qu’il en est de même pour toi. Toi, adossée à ce mur aux facettes effondrées, moi accroupie sur mes membres épuisés, nos têtes sont baissées depuis nos immobilités recluses. Aucune de nous n’ose plus poser les yeux sur la moindre évidence de l’autre. Dis, as-tu, toi aussi, cette vision si cinglante que nous nous transpercerions, au moindre éclair, jusqu’à la carcasse ? Si tu savais la grandeur outrageuse de mes nocives ardeurs. Que dire, lorsque je te sais moi-même, puisque je vois & ressens mes plus feintes mœurs dans tes entrailles éperdument retranchées ;  comme nos étreintes les plus fidèles n’oseraient jamais nous l’envier.
L’esquisse de toi, nous condamnant sans peine & sans ombre en ces lieux, de ces pratiques barbares aux extérieurs. Nous transpercer avec un supplice frigide chaque écume de vie. Rien de tout cela ne m’effraie, plus rien ne reste à ce jour capable de m’atteindre au sens, tant je l’ai lâchement perdu. Une idée de bourrasque ne cesse plus de me pousser au massacre, celui de briser nos ères misérables, celui de te supplier, sans plus attendre, de songer ce massacre, pour enfin t’y atteler… Je pourrais hurler, face à ton visage livide, fracasser mon corps & t’entendre briser tes membres. Nous constater pendues, enfin concrètement, le blanc de nos yeux s’affrontant sans gêne. Sans doute serait-ce l’accomplissement de notre assimilation tant espérée, de nos effluves moraux & psychiques, l’agonie du Terminus.

       Dans l’obscurité tempérée de la pièce je devine un geste de ta part, le premier depuis notre enfermement. D’où je suis & de ce que je peux prétendre percevoir, ce serait une main passée dans tes cheveux, & ton visage en proie à la faible luminosité qui nous embarque sans relâche. Le regard fixé au vide, je tente de contenir mes envies, tant je sens tes nerfs, déchirés, tes pensées, vives & poisseuses. Je veux mourir, maintenant, s’il te plaît. Nous adonner l’une à l’autre jusqu’à l’avenue funeste, une fois pour toutes. D’un élan, tu te lèves, & je te sens l’âme dispersée dans les coins de la pièce. Ma poitrine se sert, puis, à ton corps se projetant sur moi, se glace. Déchue, tu t’agenouilles à mes pieds en me jetant un vif regard, fuyant, bouffé aux plaintes, avant de glisser tes mains de mon cou à ma nuque. Tes pouces me compressant avec une légère pression, dans une certaine froideur, alors que tes lèvres fébriles cherchent les miennes. Je te laisse en droit de ma personne, ne réponds pas tout de suite à tes appels, par ma faiblesse incontrôlée. Tu manques de souffle, ta respiration boiteuse se coupe pour céder à tes envies. Le goût de nos lèvres, je te sens trembler. Nous voulons plus, & crevons d’envie de crever, nos lèvres s’abiment lentement à mesure que je sens tes mains pressant ma gorge. Ne souffre pas, s’il te plaît, ne t’arrête pas, je n’en ai jamais valu la peine. Tes membres se contractent & tu lâches prise, fuis ouvertement dans une panique mal dissimulée, puis t’éloignes plaintivement. De nouveau ton visage disparait au sein de ta silhouette malheureuse, lâche. Déjà, je te sens enfouie dans la culpabilité.
J’en ai rêvé. J’ai rêvé mille fois à la venue de ce jour, aux innombrables desseins, avec cette même issue. Je nous ai vues, gagner notre échec, sans le mériter. Je t’ai vue, je me suis vue, toutes ces nuits broyées par des inconscients. J’ai rêvé, oui, rêvé au cauchemar achevé. Ma tête est lourde, tout y passe, alors que tu viens à peine de froisser l’Espoir. Debout, dos à moi, tu passes tes mains frêles dans tes cheveux, pour resserrer tes poings sur ta nuque. Pleurer ne mène à rien, pas pour toi, aujourd’hui je crois. Si je n’étais pas moi, je ne saurais deviner quel sentiment s’est emparé de toi. D’où je suis, ton corps ne saurait trahir tes pleurs, tant ta dissimulation s’acerbe. Je reste là une minute, sans savoir que faire, le visage partiellement relevé. Je te vois & te ressens, tes signaux les plus perdus s’échouant sur mes ondes, sur ma peau. Sans bruit, je me lève. Ma longue immobilité me coûte deux pas boiteux, puis je m’arrête derrière toi. Tu sais que je suis là. Lentement, je glisse mes mains le long de tes côtes, les remonte sur te coudes & viens saisir tes poignets. Ton souffle peine à suivre, mais grogne dans sa faiblesse autant que tes poings. Je veux te les faire baisser, te calmer, te prendre contre moi & te bercer de ces phrases suppliantes. Tu résistes, je persiste, tu m’ordonnes entre tes dents serrées de cesser, mais je dois continuer. Dans un élan de rage, ou de crainte, tu envoies avec violence tes coudes en arrière, tapant dans ma mâchoire. Ma lèvre se fend, je suis attirée par l’arrière & dégringole mon corps tout entier. Le sol rugueux m’érafle pour la unième foi,  de minuscules morceaux rocheux se heurtent, s’enfoncent & me griffent la peau. La face au sol, ma tête raisonne sourdement, mais je n’ai plus mal, et j'oserais sourire. Viens, s’il te plaît, viens finir le travail.
Tu grognes autant que ta peur, jures & frappes de ton poing ce mur. Tu culpabilises, & te blesses pour oublier : Tu vois, nos vieux démons n’ont jamais véritablement été enfouis. & si d’ordinaire je t’aurais interdit ces gestes, je t’aurais rendu la morale sur tes actes, j’y trouve ici un pas vers notre fin, un semblant d’espoir inachevé au milieu du vice. Notre avenir non sûr n’est que la perversité même de la pratique universelle.
Tu te redresses avec difficulté & t’élances à terre, près de moi. Tu voulais fracasser tes os, mais n’as pu résister. Pourquoi prends-tu encore la peine d’entretenir tes soins auprès de moi ? Le seul dont je peux maintenant me sentir digne serait celui de tes mains me sacrant sous l’autel funèbre. Le crissement du sol sous tes pieds, tu t’agenouilles à mes côtés & t’allonges à mon image. Je ne peux pas te voir, ma tête à ton inverse, mais je sens encore chacune de tes pensées bouillir comme le sang dans mes artères. Tu ne verses plus de larme, tu as repris la dignité des choses en main. Ta main effleure la mienne, ce qui nous vaut un sursaut débilement instinctif. Les bouts de tes longs doigts parcourent les miens, s’échouent dans le creux de ma paume dans une douceur frêle, puis ta main saisie la mienne, comme une plainte. Je ne peux pas t’aider. Toi seule peux te décider à jouer le jeu. Tu refuses d’accepter, renies  l’évidence, alors que chacune des issues étaient condamnées bien avant l’aube. Nous avons eu des années pour entrevoir, des années pour prendre nos marques, comprendre, percevoir & prévoir aux mieux nos évènements futurs les plus inévitables. Cette nuit, nous sommes confrontées à nos choix, confrontées au destin, confrontées à notre indifférence. Confrontées, que tu le veuilles, ou non. Tu traines tes flancs jusqu’à moi, j’entends ta peau, si douce, ta carcasse se ronger sur la caillasse. Tes côtes découvertes, se calent au dos des miennes & ton bras le plus proche rejoint le plus éloigné des miens. Ne joue pas ce jeu, s’il te plaît. Se noyer dans l’ardeur ne te mènera pas à la résignation. Ton nez éparpille mes cheveux de par & autre de ma nuque, avant d’y décrire quelques cercles furtifs à la manière d'un museau, ce qui me vaut un frisson d’oubli. A cet instant, ta faible expression doit tenter de se souvenir comment sourire. Oublis. De tes bras fins tu me ramène face à toi, avec une lucidité qui se veut m’épargner les éraflures du sol : je remonte mes genoux avec lourdeur, abîmant mes mollets découverts dans l’action. Interrompu par mon geste, ton regard dénonce avec impuissance : Quand comprendras-tu que prendre soin de moi ne te mènera nulle part ? Ta main empoignant mes cheveux, tes yeux m’accusent, tu restes encore dubitative par rapport à ces choix. Tu observes ma bouche & te fends la mine : le goût de tes lèvres, le sang de ma lèvre inférieure.
A l'instant où tu cesses, tu me réapparais comme raisonnée, prête à acquiescer. Ta culpabilité injustifiée se serait-elle perdue dans les méandres du ridicule ? Dis-moi que oui. Je sens ta deuxième main se relever, hésiter, puis tu m’allonges au sol avec violence. Ma tête bute sur le sol, encore une fois. Toi sur moi, j’empoigne ta gorge & ses artères avec brutalité. Tu suffoque & confronte tes lèvres contre ma blessure. Tes ongles se plantes le long de mon cou, me griffent jusqu’au vif, je sens ton sang pulser au travers de ta peau, dans l’antre de mes mains acharnées.

     Notre étreinte légère prend vie, sous une forme débattue, nos coups réciproques dans un unique espoir. On se perd pour se retrouver dans nos brutalités, on se scrute, mais tu fuies encore de peu le combat. Quelque chose m’échappe, sans que je sache de quoi il s’agit. Je ne sais pas tout, tu sais quelque chose, une chose que je ne saurais deviner comme tout le reste jusqu’à présent. Les secondes passent, ma réflexion me fait lâcher chaque fois un peu plus mon emprise sur toi, je me ronge la raison, encore.





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